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10, 000 Chroniques de Disques, Lives & autres.

Jeudi 22 avril 2010 à 12:00

http://10000visions.cowblog.fr/images/PinkFloyd/darkside.jpgPink Floyd - Dark side of the Moon (1973)
Par Brieuc
Dès la fin de 1971, l'idée principale discutée dans les cuisines de Nick (et non en studio ou tournées), est de construire en six semaines un album divers et varié d'une longueur convenable afin de combler la moitié d'un show. Se concentrant sur les pressions que le groupe subissait en tournée, ils décident de développer un concept autour de la violence, des problèmes sociaux, de la religion (reflétant l'Amérique) qui serait un témoignage de ce qu'ils ont pu expérimenter en tournée Américaine par exemple... Le thème de la folie est vaguement cité puis clairement exploité par Waters qui fournira 100% des paroles plus éclairées que jamais. En quelques semaines, les Floyd pondèrent une première version jouable qui sera interprétée pour la 1ère fois dans le Rainbow Theatre de Londres : Dark Side of the Moon, A Piece for Assorted Lunatics ou Eclipse. L'enregistrement de l'album s'étalera sur toute l'année 1972 avant de déborder sur 1973, interrompu par les tournées anglaises, japonaises, Nord-Américaine pour terminer par l'Europe jusqu'en décembre (qui ont vu l'arrivée de la nouvelle forte tête en guise d'éclairagiste, Arthur Max), mais aussi la sortie de Live At Pompéi, les quelques ballets de Roland Petit ou plus principalement la pause Obscured by Clouds pour la bande originale de La Vallée de Barbet Shroeder (seconde collaboration après More).
 
Le très talentueux Alan Parsons est confié comme Ingénieur du son pour les premiers enregistrements de Dark Side qui avait déjà travaillé comme technicien sur Atom Heart Mother (1970).
 
Le disque le plus culte de la planète progressive est ouvert par Nick Mason sur Speak to me. Elle fut construite à partir de fondus enchaînés de tous les autres morceaux de l'album qu'il réunissait chez lui avant de les assembler en studio. Après avoir tenté de produire des battements de cœur à partir d'enregistrements médicaux, le groupe décida de s'en tenir aux instruments de musique car les résultats finaux étaient stressants et il s'agissait d'envelopper l'auditeur dans un confort d'écoute sans précédent et de le détendre. Ils utilisèrent donc une mailloche très douce sur une grosse caisse renforcée pour l'imiter. Le son leur semblait beaucoup plus réaliste, mais pas autant que le rythme du coup plutôt inquiétant (parce que 72 battements par minute étaient trop rapides). On entend des ébauches des propos enregistrés et ses quelques rires, le tiroir-caisse, l'horloge, ou encore les cris de Clare Torry qui s'étire sur l'enchaînement par la seconde piste par une note de piano à la pédale forte passée à l'envers pour la transition avec Breathe.
 
C'est sur ce second morceau que la nouvelle dimension musicale est révélée, le résultat d'une expérience qui consistait à réutiliser la même mélodie pour deux chansons, ou, plus précisément, à insérer deux sections complètement différentes au milieu de deux couplets, afin que la mélodie reprenne après les deux compositions suivantes. David Gilmour nous envoûte déjà avec sa guitare -, la lap-steel nous fait rêver - avant de chanter des textes qui fascinent encore son auteur, Roger Waters s'étonne d'avoir écrit des choses du genre Respire, respire l'air, n'aie pas peur de t'en soucier mais le tout est simplement magnifique. Les accords du Fender à la fin sont inspirés voire identiques à ceux de Kind of Blue de Miles Davis selon Rick Wright lui-même.
 
La machine est lancée aussitôt et on ne peut plus s'arrêter, On the Run est le résultat d'une accélération fulgurante de sons produits sur un EMS SynthiA (qui remplaçait le VCS3 conçu par Peter Zinovieff) rappelant un diagramme accompagnée par des bruitages de pas puisés dans la sonothèque d'EMI, et autres (rire, avion) et d'effets cosmiques qui font son charme. Elle fut ajoutée in extremis à l'enregistrement de l'album, retravaillée à partir d'une transition instrumentale de la version live. Les premiers shows de la tournée pré-sortie se firent sans synthétiseurs et donnaient une simple improvisation pour clavier et guitare conclue par une explosion et une cacophonie d'effet sonores, parfois intitulée The Travel Sequence.
 
Quand on passe à Time, on se remet de nos émotions premières avant d'être surpris par toutes les horloges sonnant issus d'une démo d'enregistrement quadriphonique qu'Alan Parson avait réalisée quelques mois auparavant. Il avait enregistré toutes sortes de carillons, tic-tac et sonneries de réveils trouvés dans une horlogerie ancienne. S'en suit toute cette partie fascinante où Nick frappe ses rototoms avant de passer à ses couplets, son refrain et ses étonnants riffs pour terminer sur une reprise de Breathe qui clôture ce qu'on pourrait appeler les 7 minutes les plus intenses d'un album qui ne l'est pas moins. C'est là aussi qu'on découvre que le groupe a décidé de se ré-équiper d'accompagnateurs malgré l'expérience laborieuse de l'orchestre et du choeur sur Atom Heart Mother, à savoir les chroristes Doris Troy, Leslie Duncan, Liza Strike et Barry St John assurant les choeurs. Mais aussi Clare qui fera ses prouesses sur le prochain morceau.
 
Enfin The Great Gig in the Sky, le chef-d'oeuvre de Richard, termine la face A de celui-ci. Une ligne de piano vraiment magnifique sur laquelle se pose une partie vocale assurée par Clare Torry (recommandée par Alan qui avait déjà travaillé avec elle), qui faisait de la pure improvisation. On lui demanda de chanter à la mort et à l'horreur et se lâcha en studio avant d'aller s'excuser auprès de l'équipe dans la cabine qui était pourtant ravie. On peut réentendre les entretiens fondus dans des mélodies à la tonalité variable où tantôt Rick pianote seul (ou presque) ou tous les musiciens se lâchent. Aussi appelée The Mortality Sequence chez les fans quand elle avait été popularisée également dans les premiers lives qui était un solo de piano électronique sur fond d'enregistrements sur bandes magnétiques qui distillaient des extraits de l'épître aux Ephésiens, le Notre père ou autres textes bibliques superposés à des propos de Malcom Muggeridge (une personnalité controversée de la radio en pleine crise)
 
Petite parenthèse sur la provenance des bribes de conversations présentes sur les 30 minutes du disque : c'est un concept suggéré par Roger qui proposait d'intégrer des bouts de dialogues ressortant de questions sur la violence, la folie et la mortalité recopiées sur des cartes et placées devant des pupitres. Le personnel ne faisant pas partie du groupe, ainsi que des gens comme Paul et Linda Mc Cartney (qui enregistraient Red Rose Speedway avec les Wings), l'épouse de Peter Watt et du régisseur Chris Adamson, le technicien Roger The Hat - qui leur a fait taper de bonnes barres au groupe par son entretien apparemment mémorable selon Nick – furent invités pour répondre à ces questions devant un micro... et seront ajoutés la veille de l'enregistrement final même si tout n'a pas pu être retenu. Nous reviendrons sur le gagnant des interviews dans les dernières secondes du disque.
 
La face B est tout de suite révélatrice d'un succès phénoménal au hit-parade, avec le tube Money en 7/8 qui impose ses paroles Watersiennes anti-capitalistes plutôt paradoxales vu son succès. Sa renommée est surtout dûe à un bruitage assez familier en début de morceau de leimotiv. Nick et Roger avaient eux-mêmes réalisés le concept : Nick avait percé de vieilles pièces de monnaie et les avait ficelées, son compère les a ensuite jetées dans un pot de poterie qu'utilisait sa femme de l'époque Judy Waters et enregistra le résultat. L'effet papier déchiré ont simplement été crées dans un micro et les caisses enregistreuses proviennent encore une fois de la fameuse sonothèque du stuio. Classique morceau, mais plutôt lassant à force d'écoute Avant l'accélération du rythme, on entend en plein morceau un fabuleux solo de saxophone du futur fidèle Dick Parry qui livre sa première interprétation au sein du Floyd qui annonce pas loin de 40 ans de collaboration.
 
Il refait vibrer son saxo ténor pour la suivante et livre un deuxième solo beaucoup plus langoureux, sur le morceau lyrique crée par Rick (Us and Them, ressuscité des séances de travail de Zabriskie Point). Comme je l'ai déjà dit sur Meddle, la musique était selon Rick « l'espace entre les notes » ce qu'il annonçait déjà sur le sonar d'Echoes. Vértiable pause, havre de paix qui casse le message écœurant de son tube précédent. Il éclate soudainement comme dans sa composition sur AHM Summer '68. La transition avec l'instrumental Any Colour you Like qui apporte une note d'apaisement avant son époustouflant final, Rick pianote un synthé EMS pendant que David joue de sa Stratocaster au son modifié.
 
Roger Waters s'empare du chant pour les deux morceaux finals, sûrement parce qu'ils lui sont adaptés et qu'il en a écrit les plus profondes paroles. Son but est d'écrire purement ces idées. Roger les ayant écrites intégralement figurera pour la première fois sur le gatefold comme parolier. Certains disent qu'il l'a fait sans l'accord du groupe, mais la version de Nick expliquant qu'ils leur semblait judicieux de lui donner ce titre me semble bien plus crédible. La premiere étant une de ses grandes compositions, Brain Damage, où la guitare prend une très grande place en soutenant les célèbres paroles de son chanteur The Lunatic is on the Grass, the lunatic is in my head […] I see you on the dark side of the moon voulant critiquer des aspects de la société qu'il ne comprend pas (un exemple, traditionnel à son Pays, le fait que l'on veuille conçevoir une splendide pelouse en se disant que personne n'aura le droit de mettre le pied dessus, ni aucun enfant ne pourra y jouer). Pour passer à Eclipse, qui s'est améliorée au fil des concerts. Incroyable final qui inscrit le parfait de cet album, jusqu'à la dernière parole But the Sun is eclipsed by the moooon. Les battements de coeur reviennent, et c'est le concierge irlandais d'Abbey Road Gerry O'Driscoll qui aura le privilège de sceller l'œuvre avec une bribe de ses propos avec la phrase There is no dark side of the moon. Matter of fact, it's all dark (la lune n'a pas de face cachée, en fait elle est toute noire) qui donneront le titre définitif de l'album. Qui malgré le fait que Medicine Head ait sorti un album du même nom au moment ou les Floyd y pensaient déjà, fera surface alors qu'ils songeaient à le nommer Eclipse.
 
C'est sur ce vide sonore que se termine le disque sorti le Vendredi 23 Mars 1973 sous les traits d'un faisceau de lumière blanche et un spectre chromatique se déployant à partir du prisme légendaire central, conçu encore une fois par Storm Thogerson et Aubrey Powell d'Hipgnosis qui représente bel et bien la pureté et la diversité de la musique, : propre, simple et percutante. L'Artwork suivra le matériel publicitaire lorsqu'il s'agira de faire de la promo (pyramides de Guizèh). Le gatefold suit de son côté l'idée cardiaque, avec l'électrocardiogramme coloré encadrant les sublimes paroles. Le disque prendra évidemment une tournure très commerciale. Dans un premier temps avec un single Money/Us and them verra le jour le 7 Mai, un record battu dans les Charts (724 semaines dans le top 200 des meilleurs ventes de disques américaines.. le 30 Avril 1988 le phénomène ce cessant) puis les beaufs qui voulaient épater leurs copains en testant le disque sur leur chaîne stéréo (ou encore Speak to Me servant à tester les radios du monde entier) et maintenant les jeunots pas plus fans que ça du Floyd arborant le prisme sans trop savoir ce qu'il représente à part l'esthétisme de la chose.. (écoutez bien mon âme d'intolérant, mais j'exagère un peu c'est vrai, bref.). Sûrement le plus accessible des anglais, mais surtout un des plus collectifs de leur discographie ou celui où ils ont définitivement brisé leur tournure psychédélique qui disparaissait depuis Atom Heart Mother pour servir un Space-Rock cosmique et progressif, qui fascine toujours autant malgré le bientôt quarantième anniversaire de la création de ce monument.

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FACE A
1. Speak to Me (Nick Mason) - 1:08
2. Breathe (David Gilmour, Roger Waters, Rick Wright) - 2:49
3. On the Run (David Gilmour, Roger Waters) - 3:30
4. Time / Breathe Reprise (David Gilmour, Roger Waters, Rick Wright, Nick Mason) - 7:06
5. The Great Gig in the Sky (Clare Torry, Rick Wright) - 4:44
FACE B
6. Money (Roger Waters) - 6:22
7. Us and Them (Rick Wright, Roger Waters) - 7:50
8. Any Colour you Like (David Gilmour, Rick Wright, Nick Mason) - 3:26
9. Brain Damage (Roger Waters) - 3:50 
10. Eclipse (Roger Waters - 2:08

1973, 33t anglais : Harvest SHVL 804
1973, 33t français : Harvest SHVL 804
1973, 33t anglais (quadraphonique) : Harvest Q4 SHVL 804
1973, 33t américain : Harvest SMAS 11163
1984, CD anglais : EMI CDP 7 46001 2
1994, CD anglais (remasterisé) : EMI 8 297522
2003, SACD : EMI 7243 582136 2 1
2003, 33t : EMI



Pour aller plus loin, le documentaire de la collection classic album disponible ici ou écouter la première version de l'album sur The Dark Side Reharsals


Par meschersdisques le Samedi 24 avril 2010 à 13:28
Ah je connais très bien. On a le 33 tours à la maison. Un très bel album :)
Par Brioche-Patapon le Samedi 24 avril 2010 à 13:44
ça pour être un bel album, c'est sûr que c'en est un!
Par kaa le Samedi 24 avril 2010 à 15:44
Un plaisir pour moi d'écouter du Pink Floyd !
Par http://www.cifodel.fr le Vendredi 21 août 2015 à 10:47
En fait, ce que j'adore dans ce morceau, ça doit être le solo guitar Hero de fin. Il est tellement irrésistible, tellement agréable et émouvant à écouter, qu'on ne recule jamais devant cette partie du morceau.
Par http://www.winitro.fr le Samedi 4 juin 2016 à 3:55
Le tout mène en progression à un unisson final digne de Moondog.
Par http://www.mel421.fr le Mardi 12 juillet 2016 à 11:06
Bref, le son n'est pas mixé, brut autant dans la composition que dans les distos des guitares, et on ne manque pas de remarquer quelques pains ça et là, d'autant qu'on a enregistré parfois sans répéter la chanson auparavant
 

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